Interview avec Bobby Bandiera
par Eve Lainé pour Tramps Like Us, le 4 novembre 2002

reproduction même partielle interdite, www.tramps-like-us.com (c) février 2003


Eve Lainé et Bobby Bandiera
Photo Hugues Barrière (c) novembre 2002

Lundi 4 novembre 2002, 0h30. Tout juste sorti du Trabendo pour l'unique date de Southside Johnny et de ses Jukes en France, Bobby Bandiera nous accueille dans le salon de l'hôtel où les musiciens sont descendus. Avant de poursuivre la tournée en filant pour la Suède, Bobby accepte de répondre à nos questions avec la plus grande gentillesse et un sourire qui semble ne jamais s'effacer. Trois bons quarts d'heure pour en apprendre un peu plus sur le guitariste des Jukes, dont la bonne humeur nous a ravis…


Tramps Like Us
: Vous venez de terminer une tournée anglaise avec Southside Johnny et les Asbury Jukes. Tout s'est bien passé ?
Bobby Bandiera : Tout s'est TRES bien passé, nous avons terminé la tournée anglaise en faisant une halte à Londres et on s'est beaucoup amusé. On reviendra vite en Europe, d'ailleurs on sera de retour en France l'an prochain.

TLU : Vraiment ? Voilà une bonne nouvelle ! Envisagez-vous de jouer dans une salle plus grande ?
BB : Oui, il était question de jouer dans une plus grande salle, en effet. On avait pensé au Zénith.

Le manager de la tournée entre dans l'hôtel à ce moment même et vient nous saluer. Nous lui faisons part de notre étonnement en constatant que très peu de promotion avait été assurée pour le show de ce soir, et de notre désolation de voir que si peu de gens (à peine 300 personnes) étaient venus les applaudir. Il nous déclare que la date n'est peut-être pas très bien tombée et Hugues, notre "photographe complice", lui fait savoir qu'il serait bon de distribuer des flyers pour la promo du prochain show. On vous en reparlera, sans faute. Puis le "tour manager" nous quitte et nous reprenons notre interview.

TLU : Vous voilà donc maintenant à Paris. Ce n'est pas la première fois que vous venez jouer en France.
BB : Je me souviens que j'étais venu en 85 au Grand Rex, en 92 à l'Elysée Montmartre aussi, où j'avais joué avec Jon Bon Jovi, c'est un bon souvenir ; puis au Chesterfield Café en 97 (un show immortalisé sur l'album "Spitting Fire", ndlr) et on est revenu à Montmartre en 99. Oh ! et je me souviens aussi que j'ai joué dans une ville au sud de Paris… je ne me rappelle plus du nom de cette ville… Je jouais avec un groupe russe… Impossible de me souvenir des noms.

TLU : Et vous êtes venu pour la première fois en 84 aussi, pour fêter les 20 ans de carrière de Little Bob.
BB : Oui, exact, c'était à…

TLU : Au Havre.
BB : Oui ! J'avais joué avec John, qui était venu pour Little Bob.

Cette fois, c'est au tour de Louis Appel, batteur des Jukes, de se montrer. Il sortait de l'ascenseur pour se présenter à la réception de l'hôtel, une télécommande à la main, en tenue de scène (jogging), les chaussures en moins… J'avoue que j'ai pas tout suivi, j'ai cru comprendre que les piles de la télécommande étaient à plat. Il s'installe un petit moment avec nous, on plaisante, puis il se sauve. On reprend nos questions.

TLU : On ne vous connaît pas beaucoup, en France, et vous êtes assez discret également sur internet. Qu'est-ce qui vous a poussé à faire de la musique ? Etes-vous issu d'une famille de musiciens ?
BB : Non, en fait, quand j'étais tout jeune, ma mère avait quelques disques que j'écoutais tout le temps, notamment deux disques de Johnny Cash. J'adorais les écouter, ça m'a donné goût à la musique. Puis j'ai eu ma première guitare à l'âge de 13 ans, et avec mon frère, de deux ans mon aîné, on jouait au sous-sol, à la maison. Il jouait de la batterie. On s'amusait à reprendre des morceaux d'Hendrix et de Cream. Je me souviens que mes parents m'ont toujours encouragé, même si ma mère aurait voulu que je travaille un peu plus à l'école, et un peu moins sur ma guitare (rires).


Bobby Bandiera
Photo Hugues Barrière (c) novembre 2002

TLU : Quelles collaborations avez-vous faites avant 85, avant de jouer sur l'album "At Least We Got Shoes" où vous avez officiellement intégré les Jukes ?
BB : Après un temps, mon frère a un peu perdu le contact avec la musique, puis quand j'ai eu 16 ans, j'ai commencé à jouer avec des groupes locaux, dans les clubs du New Jersey. J'ai joué dans des "Top 40 bands", des groupes qui reprenaient des titres classés dans les 40 premiers des charts, pendant environ cinq ans. Puis j'ai fait une pause d'environ deux ans. Après ça, j'ai repris le chemin des clubs avec un groupe qui s'appelait les "Cats", de 1978 à 1985 environ (le nom complet du groupe est les "Cats On A Smooth Surface", à en croire l'ouvrage intitulé "Greetings from Asbury Park, NJ - A look at the local scene" ; ces "Cats" se composaient de Peter Gagen, Harry Filkin, John Micalizo et Peter Schulle, ndlr). Très souvent, les membres des Jukes, qui sont tous des alentours, venaient me rejoindre pour faire quelques jams. Et puis Jon Bon Jovi passait souvent aussi, et on se lançait dans des impros.
Et un jour, alors que je jouais dans un de ces clubs, Springsteen est venu me rejoindre. Il arrivait même qu'en été 82, alors qu'il était en plein dans les enregistrements de "Born In The USA", il vienne jammer au Stone Pony où je jouais tous les samedis soirs à l'époque (on apprend dans le livre précédemment cité que le groupe se produisait tous les dimanches soirs, en fait :, ndlr).

TLU : Vous êtes en tournée solo en ce moment (tournée acoustique qui fut suspendue pour les besoins de la tournée européenne de Southside Johnny), au Celtic Cottage Pub du New Jersey, et vous jouez souvent dans différents clubs de ce même Etat. Est-ce un choix d'être rester jouer dans cet Etat ?

BB : Au tout début, quand tu veux jouer, que c'est une obsession, tu as envie de jouer, tu te rends vite compte que le New Jersey est un coin génial pour ça, parce qu'il y a plein de clubs, tu as l'embarras du choix. C'est très facile de jouer 2, voire 3 fois par semaine. Quand j'étais tout jeune, c'est ce que je recherchais, et puis tous les amis qui venaient me rejoindre sur scène, c'était génial. Du coup, j'ai pas tellement bougé.

TLU : Comment avez-vous rencontré John Lyon ? Comment avez-vous intégré les Jukes ?
BB : On se connaissait déjà un peu en 84, on avait joué au Havre ensemble. Puis en 85, quand Billy Rush a quitté le groupe (Billy Rush quitta le groupe à l'époque pour rejoindre Serge Gainsbourg, ndlr), John cherchait un guitariste pour les Jukes. Billy m'appelle, j'étais malade ce jour-là. Il me dit, "Bobby, j'ai un plan pour toi !". J'étais pas dans mon assiette, j'avais de la fièvre, et j'étais pas très motivé par ce qu'il me disait. Et il me fait, "John cherche un nouveau guitariste pour les Jukes"… ! ! ! J'ai réagi de suite, "Je me sens mieux !" (rires).
Dans le même temps, j'avais aussi travaillé avec Patti Scialfa, d'ailleurs on continue notre collaboration, je joue sur son deuxième album. C'est drôle car l'autre jour, elle m'appelle pour me parler d'un détail sur un morceau de ce deuxième album, justement, et je me suis étonné au téléphone, "Quoi ? ! Cet album n'est pas sorti encore ? ! ! ! Depuis 4 ans, maintenant…" (rires).

TLU : J'ai lu sur votre site officiel (www.bobbandiera.com) que vous participez à de nombreux concerts de charité, et vous vous êtes toujours impliqué dans de tels shows. A quel point est-ce important pour vous ?
BB : J'aime participer à ce genre d'événement car c'est une occasion de donner, de faire cadeau de quelque chose. Si la musique permet de défendre une cause qui me touche, je m'implique sans compter.

TLU : Vous avez travaillé pour l'album "A Very Special Christmas Vol.5" en tant que guitariste ET en tant que directeur musical. Est-ce que ce cumul de rôles a changé votre façon de travailler par rapport au Vol. 4, où vous jouiez déjà comme guitariste ?
BB : En 99, Jon Bon Jovi avait joué pour l'anniversaire de la mère de Patti à l'époque, je me souviens ; quant à moi, j'avais participé à un show à la Maison Blanche. Et Jon me contacte pour me proposer de jouer sur le volume 4 (Jon Bon Jovi est producteur de ce cd, ndlr). Puis en 2001, Jon m'a rappelé pour renouveler l'opération et me proposer cette fois d'être directeur musical du projet ! J'étais très fier, c'était la première fois que je tentais ce genre d'expérience et j'étais très impressionné, mais l'occasion se présentait et tu sais, tu te dis qu'il faut que tu te lances ! ! Alors j'ai accepté, bien sûr. Je crois que j'ai été encore plus impressionné quand j'ai vu tous les artistes présents : un bon nombre de membres des Jukes, Stevie Nicks, Tom Petty, Mike Campbell, B.B.King, Gary Tallent, Soozie Tyrell… et je me souviens que quand j'ai vu Stevie Wonder venir vers moi et me dire "Tu sais, tu joues vachement bien", je suis resté bouche bée !
La façon de travailler n'a pas vraiment changé car le travail que je fais avec les Jukes m'a beaucoup apporté (dans l'après-midi, en l'absence de John Lyon, nous avions pu remarquer que Bobby menait les répétitions pour la balance, ndlr). Cette expérience m'a beaucoup servi pour le rôle de directeur musical.

TLU : Parmi toutes les rencontres que vous avez faites à ce jour, avez-vous un souvenir particulièrement marquant d'un jam ?
BB : Je me souviens que l'hiver dernier, nous jouions avec John et le groupe pour un concert en faveur de Greenpeace et de Rainforest. Il y avait plein de grands musiciens, je me souviens de Doctor John, Jackson Browne, et Keith Richards. Chacun jouait 2 ou 3 chansons et Keith a clôturé le show, il avait plus de titres à jouer car il était le "gros nom" de l'affiche, et au cours d'une de ses chansons, on a fait un jam ensemble. Ca restera un très grand souvenir de jam pour moi.

TLU : Nous avons lu dans un magazine français de rock (R&F, avril 92) qu'en 84, Bruce cherchait un autre guitariste pour combler le départ de Steve Van Zandt, et que vous étiez sur le coup à l'époque. C'est vrai ?
BB : (silence, puis grand sourire) C'est un sujet qui a été très discuté. A l'époque, Bruce venait donc souvent jammer avec moi et je n'avais pas encore d'engagement vis-à-vis de John avec les Jukes. Bruce me conseillait souvent de travailler des morceaux qu'il avait écrits. Un jour, il est même venu pour un jam, accompagné de son manager (Jon Landau). Puis quand les enregistrements de "Born in the USA" ont été finis, il m'avait invité à venir écouter les bandes chez lui. Mais finalement, c'est vrai, c'est Nils qui a été choisi.

TLU : Comment ça se passe quand vous jouez avec Springsteen ? Quelle atmosphère règne ? Je suppose qu'il est très professionnel…
BB : Il l'est, oui, il est très professionnel, mais il est très jovial, très rieur, tout se passe toujours en douceur même s'il est vrai qu'il est très "carré" sur un plan professionnel. Tout est toujours sous contrôle. Tu vois tout de suite la différence quand tu bosses avec Springsteen et quand tu bosses avec John, par exemple ! ! (rires) John part facilement dans tous les sens, sans prévenir, il explose, il se lâche complètement ! !

TLU : Envisagez-vous de participer au Christmas Shows au Convention Hall cette année ?
BB : Je ne pense pas qu'il y en aura cette année car Bruce tourne, je ne sais pas encore.

TLU : Merci pour le concert, c'était un grand moment, merci pour l'interview. On espère vous revoir tous très vite en France, merci beaucoup.


Eve Lainé, pour Tramps Like Us.

Remerciements : Roger ; Hugues ; Jean-Claude ; Jean-Louis.

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Albums solo :

o 1993 : "Bandiera", 8 titres :
Straight For Your Love / Only In A Dream / C'mon Caroline '93 (co-écrit avec Bob Burger) / I Was A Fool / Change, Change, Change / (We'll Make This) World Stand Still (co-écrit avec John Lyon) / Heart of Fire / Monkey In The Middle.
Avec la participation de Max Weinberg.
o 1996 : "Dog Loves You", 10 titres :
Sleeping Beauty / Goodbye Blues / Rescue Me / Tracey Marie / Pauline / I'll Be Alright / Pardon Me / Dirty Rag / Love So Fine / Tell Me (You're Coming Back To Me) (cover des Rolling Stones)
o 2002 : "Shove It", 18 titres, compile des deux cds de 93 et 96

Singles :

o Edition d'un EP 4 titres intitulé "Pauline" comprenant :
Pauline / Tell Me / Sure Know Something / Goody Blues.
o "Tropical Christmas", (45t. - Curlytail Records) w/ The Odunde Chorale
o "C'mon Caroline", (45t. - Turnpike Records) 1988 - Face B : Mean Woman Blues
o "C'mon Caroline", single en version cd du 45 tours vinyle de 88, pressage récent

Participations studio :

o 1986 : Southside Johnny & the Asbury Jukes : "At Least We Got Shoes"
o 1989 : Cyndi Lauper "Night to Remember"
o 1991 : Southside Johnny & the Asbury Jukes : "Better Days"
o 1993 : Southside Johnny & the Asbury Jukes : "All I Want Is Everything : The Best"
o 1997 : Jon Bon Jovi : "Destination Anywhere"
o 1997 : Southside Johnny : "Spitting Fire" (acoustique)
o 1999 : Various Artists : "A Very Special Christmas, Vol. 4"
o 2001 : Southside Johnny & the Asbury Jukes : "Messing With The Blues"
o 2001 : Various Artists : "A Very Special Christmas, Vol. 5"
o 2002 : Southside Johnny & the Asbury Jukes : "Going To Jukesville"
o 2002 : Holiday Express : "Live"
o Gene Ryder : "Last Cigarette & a Blindfold" (date inconnue)
o Dave Edmunds : album live (titre et date inconnus)


Jam sessions avec les Cats et Springsteen en guest :

o 25/4/82 Stone Pony
o 2/5/82 Stone Pony

o 23/5/82 Fast Lane (A. Park, NJ)
o 06/6/82 Stone Pony
o 13/6/82 Stone Pony
o 20/6/82 Stone Pony
o 25/7/82 Stone Pony
o 1/8/82 Stone Pony
o 8/8/82 Stone Pony
o 13/8/82 rehearsal au Tower recording studio (Farmingdale, NJ)
o 15/8/82 Stone Pony
o 31/8/82 Jon Jon's (Wall, NJ)
o 19/9/82 Stone Pony
o 25/9/82 Stone Pony
o 3/10/82 Stone Pony

o 24/4/83 Stone Pony
o 10/7/83 Stone Pony
o 14/8/83 Stone Pony
o 6/11/83 Stone Pony

o 8/1/84 Stone Pony
o 25/3/84 Stone Pony
o 8/4/84 Stone Pony
o 22/4/84 Stone Pony
o 10/6/84 Stone Pony, rejoints par Nils Lofgren
o 27/8/87 Tradewings (Sea Bright, NJ)
o 20/11/87 Stone Pony, sans les Cats
o 5/12/87 Stone Pony
o 20/6/89 Martells (Point Pleasant, NJ), sans les Cats
o 24/6/89 Stone Pony
o 9/7/89 Stone Pony
o 23/7/89 Stone Pony
o 2/8/89 Stone Pony, sans les Cats (le titre Willi & the Hand Jive fut joué ce soir-là)
o 16/8/89 Cheers (Long Branch, NJ), sans les Cats
o 12/7/91 The Rumrunner (Sea Bright, NJ), sans les Cats
o 26/9/91 Stone Pony, avec Southside Johnny & the Jukes
o 27/12/92 Stone Pony, avec Southside Johnny & the Jukes
o 21/10/2000 (Middleton, NJ), le Bobby Bandiera Band est rejoint par Springsteen, Scialfa, Bon Jovi et Weinberg
o déc. 2000 et déc. 2001 Convention Hall, pour les Christmas Shows, où il rend hommage le 3/12/2001 à George Harrison en interprétant en solo le titre "Here Comes The Sun".
o 27/5/2001

Setlists complètes des titres joués : se reporter à l'ouvrage "Backstreets : Springsteen, the man & his music".

Venues en France (liste non exhaustive) :

o 20/6/84 Fête de la Musique au Havre avec Southside Johnny et Little Bob, pour les 20 ans de carrière de Little Bob
o 15 et 16/4/85 Grand Rex (Paris), puis au Festival de Bourges
o 1989, passage à Paris
o avril 92, à Besançon, puis à l'Elysée Montmartre (Paris) avec Jon Bon Jovi
o novembre 92, à Nancy puis de nouveau à l'Elysée Montmartre, pour la promo de l'album "Better Days", suite à l'enregistrement du clip " It's Been A Long Time " au Stone Pony en sept 91
o 97, concert avec John Lyon au Chesterfield Café, Paris. Ce show fera l'objet d'un enregistrement édité sous le titre "Spitting Fire".
o 3 mai 99, Elysée Montmartre (Paris) avec Richard Shell à la guitare et Kevin Gordon à la basse


Concerts de charité (liste non exhaustive)
:

o 31/1/98 , Count Basie Theater (Red Bank), avec Bruce et quelques membres du E Street Band, John Lyon & Bon Jovi
o avril 2002 Stone Pony
o 6/10/2002, avec le Bobby Bandiera Band, LaBamba & Friends